lundi 13 avril 2009
Adios
samedi 11 avril 2009
Dernier tango a Buenos Aires
Les bals de tango populaire se dansent dans des clubs, les milongas. Premiers pas.
De grands escaliers nous mènent dans une haute salle baroque. Des colonnes encerclent la piste de danse couverte de couples enlacés. La voilà la Confiteria Ideal, la reine des milongas! Nous prenons place à l'une des tables qui entourent le cœur illuminé, un peu à l'écart avec les autres spectateurs, certains en touristes, comme nous.
Je me rappelle de cette danse comme un exercice technique compliqué sans grande sensualité Ce souvenir ne tarde pas à me quitter. Plus je regarde les danseurs et plus leurs mouvements subtils me racontent une histoire. Il faut « rentrer » dans le tango pour l'apprécier. Ce sont les couples de seniors qui, les premiers, me font comprendre leur dialogue amoureux. Chez eux, pas de pirouette. Juste un vol léger d'avant en arrière, chaloupant tête contre tête et main dans la main. Il émane de leur étreinte une jeunesse et une passion comme renaissante à chacun de leur pas. Le tango est une poésie discrète qui se lit lentement, d'un couple à l'autre, à mesure que le bal tourne sur lui-même. La musique s'arrête, figeant les duos sur un pas final, suspendus. Entre chaque morceaux, chacun se redresse et se trouve tout intimidé, arraché à cette conversation intime livrée avec l'autre. Les paroles qu'ils échangent semblent bien plates en comparaison. Quelques notes de piano, l'accordéon entame sa narration, et les inséparables chavirent. Les femmes tracent de leurs aiguilles interminables des figures emmêlées sur le plancher, autour du pas dictateur de leur cavalier. La stature du mâle, vêtu de sombre, évolue sans heurt, déterminant une trajectoire imaginaire entre les vides que laissent derrière eux les autres paires. Suspendue à ce corps guidant, celui de la femme en prend le contrepoint. Dans des robes légères, de voiles et de dentelles, laissant voir la chair et la fragilité des hanches, elle improvise une parade de ses jambes révoltées. Glissant, pivotant, tapant, à chaque fois elle s'en revient à lui, qui se détourne sans s'émouvoir et lui lance un nouveau défi. Les meilleurs duos s'ébattent en de virtuoses combinaisons, comme des phrases de jazz sur une base rythmique en constante évolution.
Ainsi nous avons vu, au milieu du cercle que formaient les touristes de San Telmo sur la place du marché, un couple s'emporter dans des figures presque acrobatiques. Se voyait toujours dans leur étreinte ce profond dialogue secret, les yeux mi-clos, regard rivé sur le corps, l'esprit comme perdu sur l'air endiablé de la musique lointaine.
Autre soir, autre ambiance à la Catedral. Singulière milonga logée dans un bâtiment industriel sommairement réaffecté en salle de bal. Dans une immense nef aux airs de squat décorée d'œuvres abstraites, un immense comptoir sert des assiettes végétariennes et des bouteilles de vin. Les tables forment un U face à la piste que referme une scène encombrée. Un cours gratuit pour débutants se termine pour laisser place aux danseurs. Après quelques tours, un groupe s'installe; violoncelle, guitares, piano, accordéon, caisse en bois et chanteur. Celui-ci déclame de vieux standards de ténor de cabaret, comme un Carlos Gardel retrouvé. Les magnifiques couples de la jeunesse branchée tournoient dans un tango libéré, souriant. Nous savourons ce moment de pure beauté jusqu'à la fin, séduit par la teinte artistique que donne à la tradition cet éclectique endroit.
C'est avec un tout autre tango que nous clôturons notre intronisation dans ce monde de la séduction codifiée. Le dimanche soir, se tient une milonga dans une rotonde XIX ème siècle, au milieu du parc Belgrano. On y trouve quelques amateurs du quartier et leurs invités qui se donnent rendez-vous pour un bal informel dans l'air tiède du soir. Sous la coupole du grand kiosque illuminé, raisonnent les accents nasillards de morceaux classiques, nous projetant à la belle époque quand la ville était insouciante. Nous discutons avec une émigrée belge, qui vient danser là depuis deux ans. Elle nous avoue que c'est un piège, qu'on ne peut plus s'arrêter. Nous aussi ne pourrions plus nous arrêter de regarder les merveilles de sensualité qui se dégagent des danseurs fusionnés, en chute libre vers la grâce.
vendredi 10 avril 2009
Réserve écologique costanera sur
La costanera est une étonnante promenade très chic, style XIX ième siècle: pergolas, imposants emmarchements, parapet de pierre massive éclairé par des lampadaires rococo et alignement de platanes centenaires. De nombreux stands de grillades animent la promenade trop linéaire, ennuyeuse. Cependant, la situation en balcon devant une étendue marécageuse est unique et inattendue. Une large couche touffue de roseaux et de pampa recouvre ce qui a du être une lagune refermée par un cordon dunaire. C’est la réserve écologique, vaste zone naturelle entre friche et éden, préservée pour les animaux sauvages, les joggeurs, les cyclistes…Nous parcourons les huit kilomètres de sentiers à travers des marais, avec en toile de fond les buildings ou les cheminées des industries. Nous parvenons aux rives du Rio de la Plata. De grands navires passent devant les plages ou se prélassent les promeneurs. Nous nous sentons alors loin de la ville, alors que de toutes parts, se découpent les silhouettes industrielles et les terminaux a containers. Les pêcheurs, sur la jetée de l’entrée du port, jouissent pleinement de cette quiétude impensable, a seulement quelques foulées des grands boulevards. C’est un refuge pour la nature et pour les âmes malmenées des habitants de la grande ville.
jeudi 9 avril 2009
Puerto Madero
L’ancien port de commerce avait été conçu comme un grand canal, composé de quatre bassins séparés par des ponts tournants. Construit a la fin du XIX siècle, en plein boom industriel, il a très vite été engorgé et un autre port l'a remplacé.
Aujourd’hui, il représente la dernière opportunité pour la ville de se renouveler en plein centre. Le secteur est un vaste chantier de réhabilitation qui surfe sur la vague actuelle de reconquête des ports: les quais de la Tamise a Londres, le bassin de la Villette a Paris. Se bousculent également des images de Rotterdam, Oslo, et puis les docks de la Joliette a Marseille.
Ici, les façades des docks en brique ont été conservées et magnifiquement retapées. Commerces en rez de chaussée, et grandes terrasses de restaurants investissent les vieux pavé. Présence de la fonte massive des bites d’amarrage et garde corps. Même les grandes grues sur rails ont été conservées. Rafraîchies de couleurs primaires, elles sont porteuses d’un imaginaire poétique inattendu et témoignent de l’activité portuaire passée. Deux navires à gréement se dressent le long des quais. Sur l’autre rive, en face des chaleureuses façades en brique, une longue barre de verre fait face.
On se promène ainsi sur les quais, à admirer les bateaux de plaisance amarrés a une panne flottante au milieu des bassins. La "passerelle de la femme", flèche blanche tendue au dessus des eaux, signe la modernité. Derrière la belle façade unitaire du port, se dressent des tours, plus hautes les unes que les autres, surmontées de grues. Cet ensemble ultra moderne est planté sur une langue de terre, entre vieux port et costanera.
Recoleta
C’est un peu le XVI ième arrondissement, quartier résidentiel huppé, avec de grandes et belles artères, des institutions et des musées. Nous découvrons une librairie installée dans un théâtre réhabilité. Décor somptueux pour une collection de livres impressionnante. Les loges sont des salles de lecture, la scène un salon de thé, et les caisses sont dans le foyer, a l’entrée. Le quartier est surtout connu pour son cimetière, comme le Père Lachaise à Paris, en moins romantique. A part quelques alignements majestueux d’arbres, dame Nature est peu présente, seulement quelques fougères et mousses ont su coloniser les coins secrets. Y reposent les illustres personnages qui ont donnés leurs noms a toutes les rues des villes d’Argentine. Le tombeau d'Evita Perron, l’icone la plus populaire, est un lieu de pèlerinage continu. De minuscules allées circulent entre des rangées de caveaux alignés, ou l’on peut voir des cercueils en bois. Étrange ambiance que cette proximité avec les morts.
En sortant, nous descendons vers les grands boulevards qui s’enfoncent sans fin entre les grattes ciels de cette capitale immense et diffuse. Nous longeons une des artères embouteillées, peuplée de très belles tours de logements, jusqu’au MACBA (musée d’art contemporain de Buenos Aires). Grand hall et architecture de verre minimaliste. Les expositions qui confrontent les mouvements de la peinture latino-américaine ne sont pas si belles qu’à Cordoba mais un auto portrait de Frida Khalo, poignant, valait à lui seul la peine d’entrer. Les salles d’art contemporaines sont quant à elles fidèles à la froideur et à la mode actuelle. Les artistes d'aujourd'hui ne parviennent pas à questionner les observateurs que nous sommes.
En rentrant, une grande fleur en chrome, qui s’ouvre et se ferme avec le soleil, reflète des groupes de jeunes gens allongés dans l’herbe d’un parc, d’un quartier, d’une des villes du continent américain. Elle est comme un grand radar qui capte les échos des autres capitales culturelles, dont les voyageurs curieux sont les ondes circulant dans l’air du temps.
mercredi 8 avril 2009
Jardin zoologique
dimanche 5 avril 2009
La Boca
Cette culture de l'autoconstruction a donne forme a une style d'habitation aujourd'hui remarquable: des blocs entiers de maisons de tole et de bois etaient peints avec les restes de peinture des chantiers navals. L'esthetisation de cet art populaire est aujourd'hui pousse a l'extreme et le coeur du quartier est devenu une attraction touristique. Le style canaille des immigrants italiens et espagnols, inventeurs du tango, est egalement vendu comme fond de commerce.
Le port est bien morne, abandonne par l'industrie navale dont ne reste plus que la pollution au fond des bassins. Le pont transbordeur qui s'eleve devant les HLM est toujours la, fonctionnant peut etre encore. Green Peace y a accroche une banderole denoncant les pratiques polluantes qui continuent de souiller les rivieres.
La Boca est aussi le berceau de l'equipe de foot des Boca Junior, celebre pour avoir ete le club de la figure nationale Diego Maradona. L'epicentre du culte et leur cathedrale: le stade de La Bombonera. On ne peut visiter l'Argentine sans avoir vecu la ferveur que porte les argentins pour le "futbol". Alors un matin, on se leve tot avec Greg pour acheter quatre places pour le prochain match dans trois jours.
On arrive au point de controle et nous voila a gravir les escaliers de beton jaune. Dans le vacarne de l'excitation qui commence a monter, nous debouchons enfin dans le stade. Du haut des gradins populaires, l'arene jaune et bleue qui entoure la pelouse nous apparait comme un grand gouffre a la gloire de l'equipe. Et ce sont les joueurs adverses que l'on va precipiter comme des sacrifies, dans la gorge du montre populaire que forme, comme un seul etre, la foule hypnotisee des supporters. Ce soir, ce sont les Guaranis du Paraguay qui s'affrontent aux terribles Bocas.
Debouts, serres comme des sardines, on assiste au massacre 3-1, sous les cris et les chants de plus en plus enthousiastes de la foule en delire. Beau "futbol", mais peu fair play. La technique argentine est tres agressive, loin de la danse joyeuse que pratiquent leurs voisins bresiliens. A la sortie, la masse humaine nous refoule dans les rues et l'on s'en retourne en chantant vers notre calme San Telmo.
Port fantome de La Boca